jeudi 12 août 2010

Ou le traumatisme de la guerre anti-moustique

Jeune étudiante dynamique (comprendre fauchée), me voilà caissière dans un illustre magasin dont on ne citera pas le nom... mais le supermarché un peu plus chic qui fait dire aux désespérés "au pire, je finirai caissière à M*****, c'est sûrement mieux qu'à C*******"

Premièrement, brisons le mythe. Monoprix, c'est tout pourri. J'entends par là que le salaire est sûrement équivalent (logique, le travail est le même), que dans un autre supermarché de même taille, mais surtout, quand à Carrefour elles ont de super tenues façon space invader bleues et vertes, moi j'ai un infâme t-shirt blanc avec un col où ma petite tête peine à passer (sympa pour les cheveux) et où je flotte comme une anorexique, alors que mon petit bidou est actuellement bien portant.

Bref. Suite à cette grande déception vestimentaire, je reviens à mon sujet.

Me voilà donc toute seule à la caisse du fond (heureusement, tous les petits vieux sympa y viennent, et il y en a même qui m'offrent des gâteaux).

En face de moi, que j'ai tout le loisir de contempler vu que je suis toute seule (les petits vieux qui connaissent le secret de ma caisse sont rares) alors que les caisses de devant le magasin présentent des files d'attente de 10 personnes, un magnifique présentoir contre les moustiques.

Là, j'assiste avec perplexité aux choix de maquettes des concepteurs anti-moustiques.

Déjà, le principe de la bombe: ou comment assouvir ses pulsions assassines en dégainant son instrument de la mort qui tue. Et bam, dans ta gueule sale moustique! Ou comment neutraliser tout ce que des milliers d'années de civilisation ont essayé d'inculquer.

La plaquette, passe encore. Un outil de mort "non-actif" (i.e: qui permet aux pacifistes de mon genre de passer une nuit paisible sans commettre directement de leur main l'assassinat de la bête volante assoiffée de sang).

Tout irait donc bien sans, les emballages.

Sur mon présentoir, en haut, les produits Pyrel. Pyrel, le geste vert.


Avec des parfums très natures ("thé vert", "bambou"...). Rappelons que Pyrel n'est pas bio. L'emballage est vert, le logo entouré de petites fleurs blanches. Oui, mais Pyrel, ça fait quand même nom de kalachnikov. Ce n'est pas "Douceur des Nuits" ou je ne sais quoi. Il n'y a pas de produits bio (certes, le bio ne tue pas sournoisement et efficacement les moustiques). 

Non, il y a un logo jaune, avec des lettres qui ont l'air un peu méchante, façon sourire carnassier, et qu'on aurait tenté d'adoucir. Elles sont plutôt rondes, mais encore un peu pointues, étirées: bref, elles disent au consommateur "achète-moi... Je suis vert, je suis gentil, je protège l'environnement, mais je vais buter ton putain de moustique!".


Mais la palme revient aux produits Catch (en dessous de Pyrel sur mon présentoir). Catch, ça vous envoie dans la tête que rien ne va y survivre. C'est rouge et jaune, avec une bulle façon explosion de bande-dessinée, tout pour séduire le forcené chevronné, qui, si le moustique n'était pas si petit (connasse de bête), sortirait le fusil pour le descendre une bonne fois pour toute.








Bref, si les moustiques donnent des envies de meurtre nocturnes que l'on peut justifier par un réflexe du sommeil, le jour, ils génèrent un commerce de la mort encore plus rentable et mesquin que la vente des armes dans les supermarchés américains.

Ou comment voir briller dans les yeux de la gentille mamie le reflet de l'âme humaine: le meurtre.

samedi 7 août 2010

La Vie d'un Homme Inconnu, Andreï Makine



Après une autre bouse (je ne tombe que sur des bouses) dont j'ai oublié le titre (edit à venir quand je retrouve le bouquin), qui aurait pu être intéressante (cela racontait la vie d'un des acteurs de cinéma muet les plus célèbres de l'époque, un japonais aux USA, dont la fin de carrière a été moche), j'ai enfin lu un délice, une merveille, une splendeur, bref, un VRAI livre: La Vie d'Un Homme Inconnu d'Andreï Makine.

Makine, c'est décidemment une plume. Un de ces auteurs qui rappellent que finalement, les autres contemporains écrivent nettement moins bien (ô désespoir), mais que certains défient encore feu-ceux-qui-n'ont-rien-à-prouver (là, lueur d'espoir). Ce sont des mots, simples, évidents, mais justement: limpides, lyriques, oniriques parfois, sans projeter dans un affreux climat éthéré pseudo-intellectualo-compliqué.

La Vie d'Un Homme Inconnu ramène un Russe qui a quitté le pays depuis les années 80 au Moscou des années 2000. Et si la vie capitaliste était son quotidien à Paris, quitter le monde communiste aussi brutalement, voir cette société un peu perdue s'en échapper avec cette recherche de l'opulence, ce besoin de la richesse, du progrès, du bond, qui, comme tout travail rapide en fait un travail fragile, le déboussole totalement. C'est la perte des repères, l'absence de réconciliation entre ses deux "moi", l'un occidental, l'autre slave, dont chacun des deux idéalise l'autre camp, qui fait toute la force psychologique du roman.

Et ce sont les mots, les émotions de Makine qui ouvrent cette brèche sans jamais lancer de grandes questions, sans tomber dans le monologue torturé, sans virer au débat journalistique. Un roman qui suggère, à la manière des romans, et qui reste, avant tout, une histoire, un récit, un écrit: bref, un livre de lecture (et non pas ce que j'appelle un livre de connaissances, ce que je respecte et apprécie du reste également). 

Quand tombe la nuit...









La nuit, sur le Cour Saleya

Giacometti et la Fondation Maeght


La fondation Maeght, ou l'une des grandes maisons de l'art du Sud de la France.
Première visite pour la "culturée-sur-le-tard" que je suis.

De la villa, je ne ferai que des éloges: une architecture façon villa E.1027 d'Ellein Gray, co-fondatrice de l'architecture moderne avec son voisin et ami Le Corbusier. Une collection d'art moderne désacralisée par sa présence dans le jardin, à la merci du soleil, de la pluie et des regards, ou comment mettre Miro à la merci de la vie.

Si j'étais riche, je voudrais créer une fondation privée, au milieu d'une montagne qui a l'époque était encore authentique et pleine de pins, et uniquement de pins maritimes, à perte de vue, jusqu'à la limite du ciel et de la mer que l'on y aperçoit très bien.

La fondation est payante: c'est sans doute le prix du don. 14 euros pour les adultes, 9 euros pour les étudiants, on est dans les prix lambdas parisiens.

En revanche, si j'avais étudié la propriété intellectuelle  (il faudrait que je m'y penche un minimum, l'enjeu intellectuel et philosophique est quand même fantastique), je saurais peut-être mieux réagir face à ce qui me choque plus que tout: le droit de photographier, payé 5 euros. Si l'on paye l'entrée au musée, c'est pour l'achat qu'il fait des oeuvres, les salaires du personnel, l'entretien des bâtiments. Mais de quel droit la galerie peut percevoir un droit de regard, un droit de cliché, qui ne revient même pas aux artistes?

Une des vues de la fondation


En ce moment, il y a une exposition sur Giacometti.

La richesse de l'expo m'a plu: énormément d'oeuvres, tant de sa jeunesse que de son style défini le plus courant. Des statues, des peintures.

Un placement harmonieux des oeuvres.

Seulement, le visiteur est trop abandonné: pas d'indication, pas de petit panneau pour expliquer la période, le style ou le contexte.

Je suis de celles qui affirment que l'art est avant tout une question de ressenti. Mais c'est aussi un travail intellectuel, qu'il faut recontextualiser pour en trouver tout le concept, même si ce concept est le non-sens, ou le non-concept.

Le Chat (ma préférée)


Le Chien (la plus connue)


La Cage (la plus intéressante selon moi)

(...)