vendredi 22 mai 2009

(22.5.2009) (Le temps qui reste, Jean-Loup Dabadie)

Combien de temps...
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures combien?
Quand j'y pense mon coeur bat si fort...
Mon pays c'est la vie.
Combien de temps...
Combien

Je l'aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, parler, pleurer,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Voler, chanter, parti, repartir
Souffrir, aimer
Je l'aime tant le temps qui reste

Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu'il n'y a pas longtemps...
Et que mon pays c'est la vie
Je sais aussi que mon père disait:
Le temps c'est comme ton pain...
Gardes en pour demain...

J'ai encore du pain,
J'ai encore du temps, mais combien?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d'Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...
Je l'aime tant le temps qui reste...

Combien de temps...
Combien de temps encore?
Des années, des jours, des heures, combien?
Je veux des histoires, des voyages...
J'ai tant de gens à voir, tant d'images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C'est drôle, les cons, ça repose,
C'est comme le feuillage au milieu des roses...

Combien de temps...
Combien de temps encore?
Des années, des jours, des heures, combien?
Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord?

mercredi 13 mai 2009

(Liberté du XVIIIe) (Philippe Sollers)


Qu'en dire? Un cours Magistral, au vrai sens de Magistral, donné à un parterre d'étudiants passionnés, intéressés, absorbés, de ceux qu'on ne rencontre plus dans les amphithéâtre, par la faute de la contrainte, ou par l'absence de cette belle dame qu'on nomme Eloquence? Une intime discussion hors du temps et de toute réalité, dans une quelconque gargote parisienne aux couleurs de la liberté, de l'ivresse, du bruit et du génie? La naissance, l'éveil d'un alité, qu'on veille, en lui racontant la vie, pour la lui redonner? Le monologue d'un père à son nourrisson, fait à lui-même autant qu'au petit, sans espoir de réponse, dans l'attente d'un impact?

Sollers, je ne l'ai pas lu, je l'ai écouté. Il me parlait de livres, et j'ai oublié en avoir un en main. Il n'écrivait pas en temps qu'écrivain, non, mais en tant que lecteur, en tant que passionné, en tant qu'intellectuel aussi. Et de l'intellectualisme, il en fait, peut-être un peu trop. Je ne sais pas, je manque d'objectivité quant à ça, je m'y complais, je l'admire, j'y aspire. J'ai haï Bonnefoy pour cette même culture de l'Intellectuel, de l'Intelligent, de l'Esprit inaccessible; j'adore Sollers d'une certaine façon pour les mêmes raisons: l'un est creux, et l'autre entraîne dans un océan de vérité.

Il parle de libertinage, de passion, de guerre, et même de flamboyance sans jamais évoquer le corps, ni les sens. Il en parle avec l'Esprit, mais jamais il ne les nie, ni ne les rabaisse. Je suis pourtant une fervente défenseur du sensuel, du spontané, de la sensation, tout autant que de l'esprit. Sollers ne m'a pas persuadée du contraire, ni même essayé à travers son livre je crois, non, il m'a juste permis de m'en détacher, d'en combattre l'ascendant et la dépendance. Il leur a redonné leur sens en leur ôtant leur incontournabilité.

Ce sont juste quelques pages. Un discours, un récit, un cours. Sur le XVIIIe. Un cri d'amour à ce siècle, à ces personnages, à ces héros qu'on méconnaît. Le XIXème nous est resté familier, le XVIIIe est déjà loin. On lit souvent Sade et Laclos, et Montesquieu, et Voltaire, et les autres, sans saisir leur génie, leurs détours... Ils ne se livrent pas ouvertement, non, ils nous suggèrent, en appellent à notre intelligence: ils rendent hommage à nos intelligences. Et ça, Sollers le rappelle à merveille.

Ces quelques pages de passion littéraire enchantent, engouent, cultivent et intriguent. On est peut-être aussi trop passé à côté de Sollers, et de son talent, en tout cas, de sa plume. En faisait l'éloge des autres, il inspire la sienne propre. Et si dans 200 ans quelqu'un entreprenait son travail avec le XXe, j'espère qu'il n'oublierait pas de le mentionner...

samedi 2 mai 2009

(...)

Il est des jours où l'on se pose les bonnes questions. Et il est des périodes où l'on s'en pose trop, et où, à force de tenter d'y répondre, on s'éloigne de soi-même.

Parfois, ces jours s'enchaînent dans le bon ordre. D'autres fois non.

Je me suis demandé aujourd'hui pourquoi j'avais un blog. Pourquoi depuis 2003, jamais je n'avais vécu sans. Pourquoi j'en avais commencé plein, pourquoi je les avais sporadiquement entretenus, pourquoi je les avais oubliés. Il y a ceux que j'ai effacé, et ceux sur lesquels je n'ai pas pu tirer un trait, et que j'ai laissé mourir dans les abîmes profondes d'internet. Je les ai laissé à la mer, dans l'eau ou une rivière. J'ai regardé leur papier flotter, et l'encre de leur adresse dégorger. Jusqu'à n'être plus rien.

Mais jamais, jamais depuis je n'ai vécu sans blog.

Peut-être pour le côté salvateur qu'ils semblaient m'apporter. C'est complètement paradoxal, mais mes blogs m'ont toujours paru intimes. Peut-être parce que personne ne les lisait. Ou du moins que je m'ignorais lue. Peut-être parce que ce que j'écris vraiment - à mon sens du mot écrire - ne reste que dans la sphère intime de quelques personnes, et que leur donner toutes les pièces me coûte. Peut-être parce qu'un blog a cet aspect anodin qui fait qu'on ne le juge pas. Peut-être parce qu'inconsciemment j'essayais interpeller, et me sentais protéger par un infini sans frontière qui me laisser être une inconnu.

Envoyer un bout de soi, de ses pensées, loin, presque dans les airs, c'est agréable. Enfin, je jettais des lettres au feu, ou des dessins à la mer, et je me disais que le monde charrierait un peu de moi. Quand j'avais envie d'effacer quelque chose de ma vie, je me disais que ça me libérerait. Quand j'avais envie de dire quelque chose, que ça le rendrait public sans qu'on me le rattache.

Il est très facile de donner toute une partie de soi-même. C'est la plus jolie des diversions. Et les gens, persuadés de vous tenir, ne cherchent pas à aller plus loin. Pour faire oublier ce que je cachais vraiment, j'ai donné ce que les autres auraient jugé bon de protéger. Et personne ne m'a ennuyée.

Mais quand on jette à la mer ou au feu, on a au fond l'espérance que quelqu'un, quelque part retrouve le papier, que ses particules se réassemblent, et qu'il puisse le lire. C'est utopique et impossible, jusqu'à ce que ça devienne un blog. Un blog, c'est presqu'aussi infini que la mer, et c'est pour ça qu'on ne peut pas y mentir. Je n'ai jamais pu tenir de journal intime, parce que ça m'ennuyait. Parce que ça ressemblait à un livre, et que ça ne peut pas être mauvais. Un blog, c'est un peu une confidence, le trou où l'on enterre ses pensées, en sachant que personne ne les lira, en espérant que quelque part, quelqu'un le trouve, et peut-être même l'apprécie.

Aujourd'hui, j'ai voulu supprimer tous ceux dont je me souvenais. Et je n'ai pas pu me résoudre à tuer le plus récent. Des fois que...