lundi 23 février 2009

(La Naissance du Jour) (Colette)

Je viens d'achever La Naissance du Jour de Colette, et il est entré au Panthéon de mes lectures.

Entre mes 10 et mes 12 ans, j'ai lu presque tous les Colette. Sans doute n'aurais-je dû. A l'époque, je ne comprenais toute la subtilité, toute la finesse qu'elle avait dans ses récits de choses de la vie dont j'ignorais jusqu'à l'existence, petite-fille à la vision manichéiste du monde que j'étais. Pour autant, à défaut de le comprendre, j'en pressentais le sens, timidement, sans oser, et la suggestion de l'inconnu laissait à mon imagination inconsciente toutes les possibilités. Je me souviens encore des doutes métaphysiques que Le Blé en Herbe et L'Ingénue Libertine ont suscitées en moi, sans que jamais je ne mette de mots dessus, même en pensée.

J'imagine que ce faisant, je ne faisais que préparer, inconsciemment, et presque secrètement, une philosophie de vie qui resurgirait "à l'âge de comprendre", sans même que je ne me souvienne de l'influence de ces livres - ceux de Colette, et d'autres. Comme les traumatismes d'enfance que l'on oublie et qui nous forgent, ou plus simplement, comme l'apprentissage des nourrissons.

Dans La Naissance du Jour, j'ai retrouvé la Colette dont j'avais oublié la prose, sans oublier que je l'adorais. Son écriture; sa fluidité. Ce naturel des métaphores, cette abondance de lexique, d'images, de saveurs... Colette aimait les couleurs, aimait le visuel, et son livre en déborde, en rayonne, à en faire mal aux yeux. C'est le soleil que l'on sent, c'est ce ciel si bleu, si intense de la Méditerranée qui s'impose au regard, c'est le jus des pêches, c'est la rosée du soir, ce sont des paniers de tous les fruits qui puissent exister, ce sont les fleurs, les roches, la poussière et la brise sucrée. Tout, tout se vit, se voit, comme devant un film, sans que jamais Colette n'en impose les contours, guidant l'imagination, mais la laissant libre. Et c'est là sa grande force.

Sa spontanéité mêlée d'impertinence, qui se fond désormais (loin des Claudine) à une sagesse sereine, douce, mature.

La Naissance du Jour c'est un peu le livre des conclusions. C'est l'amour du Sud, c'est l'amour de Sido, sa mère, toujours plus affirmé, toujours plus assumé, c'est l'amour de l'amour, et toute une réflexion sur ce qui a rongé et embelli la vie de Colette à la fois: les hommes. C'est la vision honnête d'une femme qui a vécu libre dans sa façon d'aimer, qui a refusé les carcans communs de l'Amour, et qui a vécu dans la conscience de cette folie.

Aimer pour aimer, avec simplicité, avec terne et plat, sans s'en rendre compte, sans en sentir toute la force romanesque, littéraire, et intellectuel, aimer selon les convenances, c'est d'une certaine façon, s'arrêter de vivre. Si Colette a souffert, c'est aussi ce tourbillon qui l'a maintenant vivante. Et elle a certainement embarqué des générations de femmes avec elle. Pour leur bien, ou non, ça, je ne le sais pas (encore).

dimanche 22 février 2009