lundi 22 juin 2009

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Il est des jours où la vie nous met face à elle. Face au Temps, face à la mémoire et face à nous-mêmes. Ces jours-là, on a le coeur un peu lourd, et la tête débordant de nostalgie... Ces jours-là, on oublie, quelques minutes, ou quelques heures, les artifices, et on ne retient que l'essentiel.

Parfois ces jours sont difficiles à supporter, parfois, ils font du bien. Ils naissent d'un souvenir, d'une photo, d'un départ, ou d'un rien.

Et ces jours là, on s'aperçoit que la vie passe dans qu'on la remarque, qu'à vouloir la vivre on ne la voit pas, et qu'on la ressent en aveugle. Tout pourrait s'arrêter, brusquement, mais on y pense pas: on se contente d'avancer, ou de subir. Alors, ces jours là, on prend conscience de sa beauté et de sa fragilité. Et on savoure. Puis on oublie.

Mais dans ces moments là, on a envie de dire certaines choses... Des "je t'aime" plus ou moins personnels, des mots que l'on prononce un peu trop sans savourer pleinement ce dont ils sont la traduction. Mais ces jours-là, ils revêtent la plus grande importance, on les mesure, on les vit, ils bouillonnent en nous. On s'accroche alors aux gens, on les regarde, on leur sourit, pour le leur montrer, et des fois que ce soit la dernière...

mercredi 10 juin 2009

(L'Etoile des Amants, Philippe Sollers) (Le Diable au Corps, Raymond Radiguet)

Tout d'abord, Le Diable au Corps de Radiguet. Derrière ce titre de roman érotique de bas-étage se cache en fait ce que Cocteau, par son appréciation suprême (et décevante), a permis de faire rentrer dans ce qu'on appelle la Littérature. Il faut convenir qu'il était audacieux, et même un petit peu révolutionnaire (c'est là la seule grâce du roman) d'écrire en 1923 l'histoire d'un adultère (et seulement l'histoire de cet adultère), sans le condamner, le mari étant, en outre, un soldat Français au front de 14-18.

Il y a toute une théorie un peu "capilotractée" autour de ce livre: l'auteur voulait une narration simple, épurée, pour mettre en valeur les cycles de la vie... Personnellement, je n'adhère pas. C'est écrit correctement, mais sans talent. On ne trouve pas les mots, soit, mais on ne trouve pas non plus les sentiments, ou une impression, ni même une idée. J'adore les livres qui ne disent rien, je ne suis pas une afficionada de l'action, des théories et autres. Ou, de la même façon, un livre qui dégage quelque chose de puissant, ou juste une idée, une pensée, peut me plaire, même si je ne lui trouve rien du point de vue formel. Là, ni l'un ni l'autre. Ce n'est pas mauvais, non, mais juste correct. Ca occupe dans le métro.

En parallèle, je lisais également L'Etoile des Amants de Sollers. Et là, c'est un tout autre registre. D'abord, j'ai décidé que je vénérais Sollers la semaine dernière, et je m'y tiens (attendez-vous donc à une pléiade d'impression sur mes lectures de lui cet été). Roman, si on peut l'appeler comme ça, déstabilisant. Comme dans Liberté du XVIIIe, Sollers essaie de nous apprendre à lire, mais d'une autre façon. Mon erreur, au début, a été de chercher une histoire. Il y en a une petite: deux amants, Maud et le narrateur, dans une maison quelque part. De temps en temps, il nous rappelle à elle, car il parle à Maud, ce qu'on oublie trop vite. Mes vieux réflexes de littéraire ont cherché à revenir, mon esprit d'analyse a tenté de se mettre en marche, et tout ce qu'il en a dégagé, c'est que Sollers voulait justement nous détacher du concret, de l'histoire, de la fiction, ou d'un quelque chose. Finalement, c'est peut-être un Flaubert bis, qui cherche à écrire sur le rien. Ce ne serait pas alors la bêtise, mais l'absence d'un fil conducteur. Ou alors, je n'ai pas compris, et c'est la plénitude qu'il recherche. Plénitude nous étant apportée par les mots. Quoiqu'il en soit, c'est les mots qu'il veut mettre en valeur, les mots et les images, inutiles mais belles, qu'il souhaite les voir porter. Un parnasse moderne peut-être. Il appelle en permanence aux références, plus ou moins suggérées, voire même impossible à reconnaître. Peu importe. Ce qui compte, ce n'est pas de savoir, c'est de lire, de suivre ces mots, de s'en imprégner. C'est l'histoire du roman, mais sans histoire. Qu'y dire? Comment le dire? Dans quel style, selon quelle inspiration? Des mots, toujours des mots, des virgules (à profusion), des pensées, du spontané ou du travaillé (je préfère retenir la première solution, qui me parait de loin la plus jolie), du vide, pas de sentiment, pas de narration, juste une impression et un voyage. C'est un rythme, une berceuse. Le début est difficile, puis peu à peu, avec effort et contrainte les premières pages, on s'en sépare, on s'en détache, et on se laisse porter, sans chercher à comprendre. On lit, on se contente de lire chaque lettre que l'auteur a trouvé bon de voir parmi les autres, et chacune est indispensable au tout. Sollers est plus qu'intriguant... cherchait-il à dire quelque chose que je n'ai pas su lire? Philosophie? Parnasse? Essai sur le roman? Je ne sais pas. En tout cas, c'est beau, et c'est envoûtant. Même apaisant. J'ai retrouvé le même sentiment d'initiation que dans Liberté du XVIIIe. Mais ça suppose de s'abandonner, et de perdre ses habitudes de lecture.

En tout cas, c'est un grand livre.