jeudi 24 février 2011

(Nixon) (Oliver Stone)

Eté 1974. 


La vie politique américaine est en plein séisme. En effet, suite à la découverte du cambriolage du Watergate, QG du parti opposant, par des hommes de main de Richard Nixon, président des Etats-Unis aux moments des faits, et réelu à leur suite, l'Amérique entière, toujours marquée par l'assassinat de Kennedy, s'ébranle. La guerre du Vietnam, qui fait rage et jamais ne s'achève, sans victoire, sans défaite totale, commence à lasser Outre-Atlantique. La classe estudientine se fait d'ailleurs la voix de ce mouvement pacifiste auquel se greffe le milieu hippie. Richard Nixon est sommé de démissionner par la Commission d'enquête, qui d'un moment à l'autre le "renverra". Il refuse à plusieurs reprises, malgré la colère des citoyens.

Richard Nixon avait pourtant tout pour être l'emblème de l'American Dream. Fils d'un fermier pauvre et d'une mère très croyante, ce qu'il ne se lasse pas de répéter dans ses discours électoraux, il parvient à suivre des études de droit dans une petite université, et devient un avocat apprécié.
Cependant, il se lance dans le politique. Aux côtés de MacCarthy, dont il représente le courant apparemment plus modéré, il tente de dénoncer quelques scandales à l'heure où la peur du communiste envahit l'opinion publique. 


Oliver Stone envisage d'ailleurs à demi-mots sa participation à des actions répressives illégales lors de l'épisode de la Baie des Cochons.


MacCarthy tombe, et Nixon perd sa place dorée dans le monde politique. Il se présente aux élections contre Kennedy, qui le dépasse de peu de voix au prorata. Là encore, il sombre dans l'oubli. Il revient à la fin des années 60, après la mort du frère de Kennedy, et cette fois, il est élu. La guerre du Vietnam est engagée, Nixon ne l'arrête pas. Il rend visite à Mao en Chine, acte hautement symbolique vers la trêve de la guerre froide. Puis le président de l'URSS est invité à Washington. Nixon s'implique, et est l'auteur de bonnes choses. Le scandale du Watergate, qui éclate lors de son deuxième mandat, dénoncé par deux journalistes Bernstein et Woodward du Washington Post, s'appuyant sur les révélations d'un certain "Gorge Profonde", annonce sa fin. Ses membres de cabinet démissionnent. Un grand procès télévisé oblige tous ceux qui auraient approché le président à parler. Certains mentent, mais d'autres avouent. Nixon, lui, réfute.


Oliver Stone a choisi de retracer le parcours de Nixon en s'axant sur les morts qui ont "permis" son ascension au pouvoir. Celles de ses frères, permettant à ses parents de payer ses études, celles des deux Kennedy. Le film est aussi axé sur la vision très Shakespearienne de la spirale de folie dans laquelle tombe Nixon. Ambitieux, jusqu'à en oublier les règles. Menteur, jusqu'à en oublier la vérité. Le Nixon de Stone ressemble beaucoup à un Macbeth moderne, homme intègre qui s'enferme dans une spirale sans fin et sans remords. Le leitmotiv de l'insomnie est ici aussi récurent. Les dernières minutes de Nixon dans le film, où il apparait comme miné par sa propre folie contrastent avec l'annonce publique, sobre, froide, de sa démission, le 9 Aout 1974. Mais surtout, Stone décide d'appuyer le rôle symbolique de pantin des présidents qui n'ont aucune réelle assise, dirigés sans en être conscients par la mafia, les riches influents, qui dépendent de la situation politique et n'hésitent pas à se la créer propice à leurs affaires. On notera par ailleurs le parti pris du réalisateur qui envisage que Kennedy ait été tué sur les ordres des milliardaires de Sud à qui aurait plus profité l'ascension de Nixon. De même qu'il sous-entend aussi certaines malhonnêtetés commises par Kennedy. On peut donc faire tomber un président, mais pas le Système. Pourtant, le Système gouverne le monde, et prend pour visage un président. Pour visage, mais aussi pour bouclier.


Stone dans son film, avance qu'Henry Kissinger, membre du cabinet de Nixon, aurait été Gorge Profonde. 



La vérité n'a éclatée que début 2006. En réalité, Mark Felt, numéro 2 du FBI de l'époque, a dénoncé les écoute téléphoniques du Watergate aux journalistes du Washington Post.

Nixon, accusé de trahison, fut gracié par le président Ford.