mercredi 13 mai 2009

(Liberté du XVIIIe) (Philippe Sollers)


Qu'en dire? Un cours Magistral, au vrai sens de Magistral, donné à un parterre d'étudiants passionnés, intéressés, absorbés, de ceux qu'on ne rencontre plus dans les amphithéâtre, par la faute de la contrainte, ou par l'absence de cette belle dame qu'on nomme Eloquence? Une intime discussion hors du temps et de toute réalité, dans une quelconque gargote parisienne aux couleurs de la liberté, de l'ivresse, du bruit et du génie? La naissance, l'éveil d'un alité, qu'on veille, en lui racontant la vie, pour la lui redonner? Le monologue d'un père à son nourrisson, fait à lui-même autant qu'au petit, sans espoir de réponse, dans l'attente d'un impact?

Sollers, je ne l'ai pas lu, je l'ai écouté. Il me parlait de livres, et j'ai oublié en avoir un en main. Il n'écrivait pas en temps qu'écrivain, non, mais en tant que lecteur, en tant que passionné, en tant qu'intellectuel aussi. Et de l'intellectualisme, il en fait, peut-être un peu trop. Je ne sais pas, je manque d'objectivité quant à ça, je m'y complais, je l'admire, j'y aspire. J'ai haï Bonnefoy pour cette même culture de l'Intellectuel, de l'Intelligent, de l'Esprit inaccessible; j'adore Sollers d'une certaine façon pour les mêmes raisons: l'un est creux, et l'autre entraîne dans un océan de vérité.

Il parle de libertinage, de passion, de guerre, et même de flamboyance sans jamais évoquer le corps, ni les sens. Il en parle avec l'Esprit, mais jamais il ne les nie, ni ne les rabaisse. Je suis pourtant une fervente défenseur du sensuel, du spontané, de la sensation, tout autant que de l'esprit. Sollers ne m'a pas persuadée du contraire, ni même essayé à travers son livre je crois, non, il m'a juste permis de m'en détacher, d'en combattre l'ascendant et la dépendance. Il leur a redonné leur sens en leur ôtant leur incontournabilité.

Ce sont juste quelques pages. Un discours, un récit, un cours. Sur le XVIIIe. Un cri d'amour à ce siècle, à ces personnages, à ces héros qu'on méconnaît. Le XIXème nous est resté familier, le XVIIIe est déjà loin. On lit souvent Sade et Laclos, et Montesquieu, et Voltaire, et les autres, sans saisir leur génie, leurs détours... Ils ne se livrent pas ouvertement, non, ils nous suggèrent, en appellent à notre intelligence: ils rendent hommage à nos intelligences. Et ça, Sollers le rappelle à merveille.

Ces quelques pages de passion littéraire enchantent, engouent, cultivent et intriguent. On est peut-être aussi trop passé à côté de Sollers, et de son talent, en tout cas, de sa plume. En faisait l'éloge des autres, il inspire la sienne propre. Et si dans 200 ans quelqu'un entreprenait son travail avec le XXe, j'espère qu'il n'oublierait pas de le mentionner...

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