lundi 20 juin 2011

Beginners (de Mike Mills)

Beginners est un joli film. Avec une certaine indolence, et une image résolument rétro. Dès le début, le film est situé en 2003. Pour autant, tant les décors, que le grain de l'image, ou la voiture du héros, Ewan McGregor, une vieille Mercedes des années 80 (alors que son personnage ne manque vraisemblablement pas d'argent) participent de cette ambiance surannée, et mélancolique.

C'est un film qui joue avec l'image. Un jeu un peu simple, un peu attendu. Des successions d'images présentes "par association d'idées" à la façon d'Amélie Poulain. Pour autant, malgré la facilité de l'idée, on se laisse prendre, et cela contribue à une atmosphère générale au charme désuet.

Beginners aborde plusieurs thèmes, filés. Le deuil, la maladie, l'arrivée d'une tierce personne dans le processus de deuil, et l'homosexualité. Le synopsis est plutôt simple: Oliver (Ewan McGregor) voit son père de 75 ans lui avouer son homosexualité au décès de sa mère. Le vieil homme lui confie se savoir gay depuis toujours, et avoir "essayé de se guérir" au début. Il décide donc d'assumer sa sexualité, malgré son âge avancé, et rencontre Andy (Goran Visjnic, ancien acteur d'Urgences), plus jeune que lui, et très différent du milieu intellectuel qu'a toujours fréquenté cet ancien directeur de musée. Au décès de son père, Olivier se retranche sur lui-même. Il rencontre alors Anna (Mélanie Laurent), une actrice française. Cette dernière ne sait pas comment se placer par rapport à lui. Elle dira d'ailleurs qu'elle ne sait pas si elle peut combler le vide laissé par le père d'Olivier.

Le film s'ouvre sur Oliver rangeant les affaires de son père que l'on sait décédé. Il repart cinq ans auparavant, par flashback, lorsque ce dernier lui annonce son homosexualité. Dès lors, le film ne fait qu'aller entre trois époques: 2003, où Oliver rencontre Anna, la période 1998-2003 où son père est malade, et l'enfance d'Oliver.

Le film aborde pudiquement l'homophobie du XXème siècle, et la peur de ces nombreux hommes de s'y confronter, et donc de s'assumer. Il n'y a aucune dénonciation violente, aucune critique. Juste cette pointe d'amertume, vécue à travers le père d'Oliver qui se reproche sa lâcheté. C'est une façon très douce d'aborder un sujet d'ordinaire traité avec le feu de la dénonciation. Pour autant, ça ne lui en fait pas perdre de son efficacité.

On vit avec le père d'Oliver le combat contre la mort, la volonté effrénée de la nier, et de la repousser. S'il vit de façon plus intense parce qu'il sait que les jours lui sont comptés, il refuse de voir la mort à terme. Cela semble dire (mais chacun projette son vécu) que la mort annoncée n'y prépare pas plus que la mort brutale. Elle laisse tout au plus le temps d'ajuster son comportement. Mais cela soulève quelques questions: est-ce une bonne chose? Cela permet-il de rester soi, vrai, et de partir comme on était plutôt que comme l'on voudrait être?

Mais le thème principal du film reste le deuil, en l'occurrence, celui d'Oliver. C'est lui qui ouvre le film, et qui le clôt. Là aussi, il est filmé avec beaucoup de pudeur. Il laisse en bouche l'amertume de la solitude, ce sentiment presqu'évanescent, léger, subtil, et surtout, permanent. Il illustre le désoeuvrement dans lequel plonge le deuil.

Or, l'arrivée d'Anna (Mélanie Laurent) dans le film, et dans le deuil d'Oliver est un tournant. Au début, c'est une bouffée d'air. Un élément nouveau. Très vite, les deux personnages s'attachent l'un à l'autre. Leur relation, faite de pitreries, est d'ailleurs très touchante, et lumineuse. Mais c'est là que vient la question d'Anna: puis-je compenser le vide laissé par ce deuil?

La situation est compliquée pour les deux. Pour l'endeuillé qui ne parvient à s'extirper de son deuil, et n'ose pas d'ailleurs le faire. Mais aussi pour "le tiers", impuissant, qui peine à trouver sa place.

Ce sera d'ailleurs la cause de la rupture des deux héros.

Jusqu'à ce qu'Oliver fasse enfin son deuil. C'est symbolisé par l'arrivée du flash-back au décès de son père. En effet, le retracement de l'acceptation de sa maladie par le père est parallèle au propre processus de deuil du fils. C'est alors que la place pour Anna se libère vraiment.

Beginners est réellement un joli film. Tout en charme et en pudeur, avec une délicatesse de l'image, des voix, de la musique, qui se perd dans le cinéma et dans la vie.

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